par angèle casanova

Clinique du rasoir électrique Station technique Braun

lundi 9 juillet 2012

Je passe une première fois dans cette portion de la rue de la Roquette. A la recherche du restaurant où nous sommes censées nous retrouver. Non. Il n’est pas dans cette rue. Je fais demi-tour. En revenant sur mes pas, je contourne deux trois tables sur le trottoir, et regarde à l’intérieur du bar. Des graffitis, des papiers collés partout. Un lieu sombre, coloré, foutraque. Je ralentis un peu. Mais continue mon chemin, en pestant contre les retardataires. Je tourne rue Saint Sabin, hésite. Je ne me souviens pas de cette courbe. Agrippée à mon parapluie, je m’arrête au milieu du trottoir. Fouille la rue des yeux, à la recherche du moindre repère. Rien. Je fais encore une fois demi-tour et, après un coup de fil un brin rageur, décide d’aller boire une bière dans le bar repéré plus tôt.

Le sol, les murs, les pupitres d’écolier faisant office de tables, tout est tailladé, graffité, marqué. De toutes les façons, de toutes les couleurs, les épaisseurs, les styles. Le mur du fond est couvert de papiers collés identiques, rectangulaires, dont la surface est également griffonnée (lorsque quittant le bar, je me retournerai pour lire son nom sur l’auvent, « tape », je comprendrai la nature de ces collages : des cassettes audio de papier).

La musique est forte, mais intéressante. Je m’installe à un pupitre face à la rue, contre une cloison. Tout en sirotant ma bière blanche, je regarde les gens passer et je jette quelques regards furtifs derrière moi.

Mon œil est de plus en plus attiré par une boutique aperçue lors de ma promenade, et qui se situe juste en face du bar, par le plus grand des hasards. Je sirote donc. Et je la regarde. Je sirote. J’ai envie d’écrire.

Je fouille dans mon sac. Pas de carnet. Bon. Quelques tickets de caisse. Un stylo. Ca fera l’affaire. Je regarde la devanture de la boutique.

Et puis je commence à dessiner ce que je vois. La scène prend vie.

La devanture est ancienne. Des panneaux de bois craquelé, années 50 peut-être. Des signes la ponctuent. Indiquent et n’indiquent pas ce qu’est cette boutique. Ils me happent. M’obligent à faire plus ample connaissance avec eux en les couchant sur le papier. Je m’exécute.

Jacques F. Guillaume tel. 700-12-70 maître artisan Clinique du rasoir électrique Station technique Braun Braun Braun Braun Braun Braun Braun Braun Braun Braun Braun Braun Braun Braun Braun

Exiguïté du lieu... Un client pousse la porte, entre, puis se tourne à gauche, s’accoude au comptoir, et parle au commerçant. Longtemps. Autour d’un objet dissimulé par un montant de bois.

Donc, une vitrine, surmontée comiquement par la tête du boutiquier, et à droite une porte. Je discerne mal les objets en vitrine, de petite dimension. Un miroir délimite l’espace, et les démultiplie. Il semble vieux, mal posé, de guingois. Et les objets exposés semble l’être depuis des lustres. Ils ont la fragilité des épaves. Derrière le miroir, le haut du visage de l’homme. Cheveux gris, lunettes. Je le regarde un peu, mais déjà mon regard suit les lignes de force qui courent derrière lui. Sur le mur. Tout est de travers… Un tableau au motif abstrait, mais est-ce bien un tableau ? Peut-être juste un revêtement mural bordé par une plinthe, sans raison d’être là. Une petite armoire vitrée sur laquelle une tour Eiffel est posée de traviole. Et puis un néon traversant l’espace en pente douce. A droite, la porte et, se devinant à travers elle, une autre porte, celle de l’arrière-boutique. Etrangement bancale.

Je sirote donc ma bière. J’écris. Je sirote, et je note, tout en bas du dernier ticket de caisse : 42 rue de la Roquette.

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