par angèle casanova

vivants

dimanche 21 septembre 2014

L’écran éclaire par intermittence nos visages tournés vers lui. Blottis au creux des fauteuils, nous nous laissons emporter par le début du film. Un babouin avance à pas lents sur le promontoire. Sa canne à grelots heurte régulièrement le sol de pierre. Au rythme de la chanson qui commence. Je regarde mon fils. Je lui prends la main. La canne heurte le sol. Encore. Encore. Et puis le singe s’arrête. Lève les bras. Et d’un ample mouvement. Montre aux yeux de tous. L’enfant juste né. Les pattes avant tendues, le corps souple, il regarde. De ses yeux à peine ouverts. Encore absents au monde. Qu’il effleure pourtant avec étonnement. Innocence.
L’émotion m’étreint. Je serre la main de mon petit. Le singe prend le lionceau dans ses bras et le marque d’un trait de terre. Derrière ce geste baptismal, très connoté, quelque chose me frappe. Un sens primal. Instinctif. Sans âge. M’apparaît. La terre. Le front de l’enfant. Ses grands yeux. Le désignent. Comment appartenant à la communauté des vivants. A une lignée. Sans fin. Avant. Après. Le cycle éternel. Le singe montre l’enfant. Il est là. Pour combien de temps. Mais il est là. Et ses ancêtres le sont aussi. A travers lui. Ses enfants y sont déjà. Par rebonds. Essentiels. L’humanité entière. Est. Là. Dans ce geste. Qui me ramène. A ma famille. Aux enfants qui remplacent les morts. Un à un. A cette arithmétique simple. Un mort. Un vivant. Je regarde mon fils. Je pense à nos petits. Si frêles. Si neufs. A peine venus au monde. A ce qui les attend. L’espoir. La joie. Inondent mon corps et mes joues.


à Lukas, Octave et Sacha

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