le silence... les tourterelles

Je tends l’oreille... J’entends les tourterelles. La chaudière, au même moment, se réveille, comme une locomotive de l’ancien temps. Quelqu’un a du se laver les mains à l’eau chaude, dans la souillarde. Quel raffût, quand même, je ne ne m’y habituerai jamais...

Je suis juchée sur le tabouret de mamie, celui sur lequel elle avait coutume de s’asseoir, devant la baie de la cuisine. Lorsqu’elle avait préparé le repas, lavé la vaisselle, repassé son linge, et en attendant la préparation du repas suivant, elle restait là, tout l’après-midi. Racontant deux ou trois anecdotes en boucle, auprès de mon grand-père qui ne l’écoutait pas, rêvait à de nouvelles plantations, à de menus travaux de bricolage. Couché dans son relax, il regardait le plafond, le ciel, se reposait.

Aujourd’hui, il se repose encore et toujours dans son relax. Mais mamie n’est plus là, sur le tabouret. J’ai pris sa place. Je lui raconte deux ou trois anecdotes, et il m’écoute, les yeux pétillants. Je lui dis que j’aime écouter les tourterelles, là, à ses pieds, pester contre sa chaudière antédiluvienne, que tout cela est mon passé, que mon passé tient en cela. Je ne lui dis pas que nous n’aurons bientôt plus rien d’autre que cela, mais je le pense.

Mon grand-père. Je le regarde, dans cette lumière de fin de matinée. Il a changé, depuis la dernière fois. Il s’est encore un peu plus avachi. La faute à l’inaction, et surtout à la fatigue de vivre, quand on ne peut plus être ce que l’on est. Finalement, à 90 piges, il commence à perdre ses cheveux. Sa légendaire tignasse blanche, digne d’un acteur de ciné. De nouvelles taches sont apparues sur sa peau, plus ou moins brunes, essaimées un peu partout. L’avenir de mes taches de rousseur ? Sa bouche est toujours aussi bien dessinée, fière, carrée, têtue. Ses yeux n’en finissent pas de pétiller. Il est heureux. Mais la retenue, la vieillesse, sa nature-même, font que ce sentiment ne se lit que dans son regard.

Nous bavardons, de ci, de ça, et nous nous mettons à table.