de A en B
jeudi 20 septembre 2012
Les itinéraires sont contraints. Le hasard ne les régit pas, n’a que peu à voir avec eux. Translations d’un point de départ A à un point d’arrivée B. A et B, la plupart du temps, connus, les pieds s’y rendent tous seuls. Pilotes automatiques. De A le domicile à B le lieu de travail, B’ l’école des enfants, B’’ la boulangerie etc. Un système de B étoilant à partir d’un A idéalement fixe.
Ceux qu’on dit sans domicile fixe ne peuvent eux-mêmes être écartés de ce modèle comportemental. Même si sans A fixe, sans point de départ et de retour quoi. Le SDF qui travaille à un coin de rue précis, qu’il défend comme son territoire, le considère en effet comme son point de départ. Son A à lui c’est le B des avec domiciles fixes lambda. Lieu de travail élu en domicile de jour. Le soir, retour vers un B, translation vers un lieu moins incarné peut-être, foyer ou autre porche. Et encore. Tout dépend. Un SDF peut avoir un A domicile (porche, cabane, tente, foyer) et un B lieu de travail tout aussi identifiés que le lambda avec domicile fixe. Pas simple.
Revenons à notre lambda. Ses pas se calent dans ses propres traces. Marchant, il imagine le tracé répétitif, lancinant, hypnotique, de ses passages antérieurs. Les lignes se chevauchent, se confondent. Invisibles pourtant. Sauf quand une trace est laissée. Déplacement. Empreinte. Objet tombé. Déjection corporelle. Comme un message, un rappel de soi à soi. Une toile d’araignée, tendant vers l’informe, se dessine. A comme araignée. A comme centre. Oscillation entre repli et sauts de puce. Finalement, rien n’est laissé au hasard, selon l’expression consacrée.
passe là parce qu’il y a du monde
(tourne en rond dans A, besoin de voir des gens)
parce qu’il n’y en a pas
(est agoraphobe, longe les murs)
parce que c’est plus court
(pressé d’atteindre B, du pain sur la planche)
parce que c’est plus long
(aime bien flâner de A en B)
pour changer
par fidélité
pour éviter quelqu’un
le chercher
cohérence, le maître mot de tout cela
Evidemment, toujours possible de suivre un autre, de s’abandonner à sa logique déambulatoire. Peut-être, alors, une forme d’errance pure est-elle possible, envisageable même, conceptuellement. Encore faut-il que cet autre soit radicalement autre. Différent. Etrange. Inconnu. Avec toujours à l’esprit que lui n’erre pas. Lui se déplace de A en B, selon une logique qui existe, même si le lambda cherchant l’errance ne la connaît pas. Renonçant à sa propre logique pour suivre celle d’un autre, alors, il approche l’idée de promenade. L’essence de la déambulation hasardeuse. Mais une approche qui se dérobe à lui. Toujours.