par angèle casanova

mon corps numérique

lundi 2 décembre 2013

Parfois, on ouvre par mégarde le compte facebook de quelqu’un d’autre. Pas un membre de sa famille. Quelqu’un d’autre. Cela m’est arrivé la semaine dernière et m’a portée à réfléchir. Je me suis rendue compte. Que cela me faisait rougir jusqu’au blanc des yeux. Pourquoi. Rien de secret sur ce compte. Et pourtant. Quand cela m’arrive. Je ferme les yeux. Tout de suite. Je bats des mains en poussant de petits cris hystériques. Et puis j’arrête. Car comment se déconnecter tout en continuant de battre des mains. J’entrouvre les yeux. Je clique sur Paramètres – Déconnexion. Je referme les yeux. Je soupire de soulagement. Je me pique un fard puissance mille. Je vais devoir lui dire. Que je suis entrée dans sa tête. Par effraction. Quand je le lui avoue, confuse, il ne comprend pas. Que voir son interface facebook. Ce n’est pas seulement voir ses statuts. C’est plus profond. C’est comme enfoncer la porte de sa salle de bain et le surprendre à poil à la sortie du bain. En le lui disant, je me rends compte. Que je ne parle pas de lui. Mais de moi. Rien qu’à l’idée de montrer mes comptes facebook et blogger, je frissonne. Je suis face à un paradoxe. Capable de me retourner les tripes dans mes textes, je ne peux imaginer qu’on puisse visiter mes comptes numériques sans ma bénédiction. Entrer dans ma tête par effraction. Non, pas dans ma tête. Autre chose est en jeu ici. Cette mosaïque de comptes personnels est devenue au fil des années un double de mon corps. Autant que de chair, je suis désormais constituée de 0 et de 1. Ma peau dissimule du code. Ma peau, mon corps, mon esprit sont numériques. Je suis en mutation. Mes outils numériques deviennent des organes à part entière, au même titre que mes yeux, mes oreilles, mes doigts, ma bouche. Je me divise. Je ne suis plus un corps, mais une mosaïque de morceaux de corps synthétiques, reliés entre eux par un principe de vie unique. Finalement guère moins rationnel que le fait qu’il existe des objets dans la nature qui soient conformés de telle sorte que cette sorte et celle-là seule induise la vie et la pensée.

Oui. Je suis un corps numérique.

Et oui. Montrer mes dessous numériques me fait rougir.

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