par angèle casanova

(faire un pont / jeux de) construction

jeudi 5 juillet 2012

Lui : Allez, on fait un pont !
Moi : D’accord, on fait un pont. On monte.

Nous nous levons du canapé. Mes sandales claquettent, ses chaussons dérapent. Sa main se glisse dans la mienne. Mon corps se penche comme un auvent au-dessus de sa tête. Je presse consciencieusement sa main, et nous montons l’escalier cahin caha. Deux ou trois pertes d’équilibre plus loin, au milieu d’un flot de paroles, nous franchissons la dernière marche. Cri de Sioux, je le soulève, le fais tournoyer et le repose sur ses pieds, rigolard. Nos pas de souris se précipitent. Vite sur le lit, vite la bagarre. Un coup de coussin par-ci, une têtine qui vole par-là. Rires étouffés par la couette.

Moi : Un peu de sérieux, jeune homme, je fais le lit.
Lui : Je prends le panier !

Il part en courant. Pendant que je lisse la couette du plat de la main, je l’entends marmonner, ahaner.

Lui : C’est trop lourd, c’est trop lourd !

Je fais mine de ne pas l’entendre. Finalement, il revient, tirant le panier à bout de bras, souffreteux mais victorieux. Un peu coincés sous une besace de toile, les legos s’agitent, rebondissent contre l’osier, léger chuchotement annonciateur de grands chambardements. Jaunes, rouges, bleus, verts, de toutes les tailles, de toutes les formes. Je hisse le panier sur mon lit, éphémèrement proclamé chantier de construction.

Lui : Allez, on fait un pont !

Architecte en chef, je fouille dans le panier, à la recherche des panneaux que nous utilisons pour construire la plate-forme de nos ponts. J’empile, j’assemble. La structure prend vie. Je m’amuse. Et puis, subrepticement, je me mets en retrait, le laisse faire son cheminement.

Il veut construire un escalier. Je l’aide.

Et puis il ouvre la besace, prend un bonhomme en bois, le positionne sur le pont. Change d’avis. Se décide. Et puis fouille encore.

Au fur et à mesure, les historiettes fusent.

Lui : Encore toi ! Oui, encore moi.
Lui : Je te tape … (gloubi boulga confus)… au clair de la lune.
Lui : Maman, joue !

Je le regarde.
Mes yeux, lourds.
Observation inlassable.
Son esprit, son corps qui me bouleversent.
Ce subtil changement, impalpable mais présent.

La bouche en cul de poule, l’œil canaille, déjà, il fanfaronne.
Prêt à en découdre.

J’en reste sans voix.

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