par angèle casanova

Passe-muraille, par Angèle Casanova

vendredi 5 septembre 2014

Tapi à flanc de colline, il veille. Sur rien. Pour rien. Car il n’y a plus personne à défendre. Ici. Dans le creux de cette plaine. Entre les murs de cette citadelle. Plus personne. Pour chanter. Vive la France. A bas les Boches. Alors il disparaît. Peu à peu. Du paysage.

La première fois que je viens Place d’Armes, je ne le vois pas. Pourtant, il est là. Enorme. Mais non. Quand on me demande ce que j’ai pensé du lion, je dis. Je ne sais pas. Je ne l’ai pas vu.

Plus tard, on me le montre, et je me demande comment j’ai pu ne pas le voir. Il me semble qu’il fait un gigantesque trou dans le paysage. Peut-être est-il le symbole de ma qualité d’étrangère éternelle. Voir le lion, le visiter, c’est admettre. Être venue. Ici. Habiter. Ici. Et même. Au-delà. Habiter. Quelque part.

Persistant dans cet exil volontaire, un peu absurde, je m’écarte du lion. Je le toise du coin de l’œil. Je lui souris parfois. Mais je ne monte pas là-haut. Jamais. Je le regarde comme quelque Parisien la Tour Eiffel. Avec respect. Avec agacement. En gardant mes distances. Avec ce lieu. Avec celle que j’y deviens. Malgré moi. Par une contamination insidieuse. Qui ouvre mes o finaux. De plus en plus. Jusqu’au ping pong. Et voit disparaître. Mon accent. Qui change. De jour en jour. Malgré mes efforts. Constants. Pour rester. Fidèle. A eux. Ma famille. Mes disparus.


Texte initialement publié sur Un peu d’on mais sans oeufs, le blog de Myriam OH

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