par angèle casanova

Dans ventre, ça a commencé…, par Franck Queyraud

vendredi 5 décembre 2014




Dans ventre, ça a commencé. « Dans le photoreportage, la célérité avec laquelle un moment d’histoire est saisi témoigne de l’extraordinaire talent nécessaire. Même avec l’aide de l’ordinateur et de pellicules à émulsion rapide, une énorme quantité d’information doit quand même être prise en compte en très peu de temps si l’on veut que le cliché soit réussi.  »
Si l’on prenait les cinq photographies ci-dessus, on pourrait les arranger de telle manière à raconter l’histoire d’un homme. Peu après être sorti du ventre de sa mère, cet homme qui est peut-être photoreporter ou peintre ou poète ou raffineur…– mais peu importe – peu après être sorti du ventre de sa mère, cet homme a marché, marché, marché longuement, seul.
Un soir, peu après le coucher du soleil, il a rencontré une femme, une femme du désert. Elle, elle a aussi a marché, marché, marché longuement, seule… rencontré cet homme qui venait du Nord. Se sont accordés… Ou pour être plus précis, cet homme qui n’en était pas encore un, a accordé sa voix sur la voie de celle qu’il avait rencontré… Se sont aimés…
Cette voix, dans son ventre, cette voix qui ne pouvait le tromper… celle qu’il entendait depuis toujours… et puis, un soir, un midi ou un matin : le noir d’un mur, un reste de voiture… Cet homme, qui n’en était pas encore un, a découvert une règle… pour mesurer la douleur, sa douleur… pour continuer son chemin… La vie… Dans ventre, ça a commencé…

Sa voix… sa voix, qu’était-elle devenue ? Ce qui reste, tout de suite après ? Le silence. Ce que l’on entendra plus : cette immense joie… aussi aigue que le plus grave des chagrins. Ce frisson, chaque fois, de regarder un coucher de soleil. Dans ventre, ça a commencé…

Dans ventre, ça a commencé… Qu’est-ce qu’être un homme ? Un corps ? Marcher ? Quel est ta voie ? Bien entendu, on pourrait les mettre autrement les images, pour raconter l’histoire de cet homme légendaire. Légendaire : qui a vécu. On pourrait les mettre autrement, ces photographies. Ces répétitions ne conviennent plus. Je vous laisse faire…
On pourrait les battre comme cartes pour raconter une autre histoire, une des milliers d’autres histoires qui ont pu arriver à cet homme depuis la disparition de la femme du désert. « Il est incroyable de voir à quel point la vitesse est constamment confondue avec la facilité la plus crasse. »
Being Human being  : dans ventre, aujourd’hui, tempos et cris de la trompette du musicien. Le sable finit toujours par ensevelir la muraille pour mieux la ronger. Tu te rappelles, toi, de tous les sons que tu as entendus ?

Dans ventre, ça a commencé… De tous les mots que sa voix t’a dit… « Troisièmement, vous devez être assez fort pour déterrer des faits, suivre des filons historiques ; exhumer des détails révélateurs.  » … les cris, les chuchotements, le doux des mots, les mots des yeux aussi, et ceux emmêlés dans les longs cheveux, bouclés et noirs… Cet homme ne se souvient plus… Devenu sable, enfouisseur. A rongé son os de souvenirs jusqu’au…« Quatrièmement, vous devez être doté de patience pour défricher votre matériau et en faire quelque chose de rare. Cela peut prendre des mois ou même des années. Et c’est ce qu’on entend par – Raffineur –  »

Dans ventre, ça a commencé. L’homme qui a un nom maintenant – le raffineur - a quitté la terre, un moment – à brûler ceci, à brûler cela, et tous les tableaux qui représentaient la voix. La voix répétitive qui revenaient et que pourtant, il n’entendait plus. La musique qu’il écoute cette nuit ressemble à ce vent qui produit la tempête de sable, celle qui déterre les souvenirs épars attendant en vain leurs effleurements.
« Améliorer et intérioriser.  » Cette vie qui, toujours, est un cadeau. « Vous devez savoir votre destination une fois que vous êtes arrivé. Remarquez qu’une destination peut parfois être également un voyage. C’est que qu’on entend par – Arpenteur.  » Sois heureux, arpenteur raffineur ou qui que tu sois désormais, malgré les faits et les circonstances… souffle La Voix… qu’il entend de nouveau. Dans ventre, ça a commencé…

Silence.

Les phrases en italiques proviennent toutes de La Maison des Feuilles de Mark Z. Danielewski, livre-ovni paru chez Denoël en 2002, traduit par Claro.
Being Human being écouté par le narrateur est l’œuvre d’Eric Truffaz et de Murcof autour de l’œuvre d’Enki Bilal.


Franck Queyraud
(texte et photographie 1,2, 3 et 4)
Angèle Casanova (photographie 5)

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