par angèle casanova

La première allumette, par Camille Philibert-Rossignol

vendredi 7 novembre 2014



S’étioler à votre fenêtre en contemplant une chouette orangée et les ragondins du marécage, ils vaquent entre la boue et le rocher, tout en se demandant s’il n’est pas temps de se lever pour éteindre le poêle sur lequel chauffe une casserole de liquide dont le croassement crépitant des bulles bouillantes se précise alors qu’il serait peut-être temps aussi d’aller éteindre l’océan, quoique...

Surveiller le cramage de l’étang, première étape d’un processus aboutissant à l’incendie de l’océan, un projet certes ambitieux qui nécessite de progresser par étapes, la flaque c’est fait, la fontaine c’est fait, et maintenant le marécage ouf se dit on en essuyant la sueur au front quand surnagent à la surface quelques formes indistinctes recouvertes d’une poudre blême...

Grimper le flanc de l’Etna, un jerrycan vide sur le dos, de cavaler de quelques dizaines mètres dans son cratère puant l’oeuf pourri, tout en toussotant, de récolter du souffre en fusion, de remplir le jerrycan à ras, de remonter en toussant, d’essuyer le torrent de sueur, de gambader dans une descente de gravier calciné, à dévaler enfumée en claironnant à tue-tête - il était un petit pompier oh feu au feu...

Débiter les immenses hêtres brésiliens à la tronçonneuse, à la hache, à une cadence crescendo, pour obtenir 807 mille cure-dents et des poussières dont les extrémités, quand elles seront souffrées, les métamorphoseront en autant de belles allumettes / cacahuètes / c’est chouette... Et de s’enfoncer dans la nuit en levant haut les jambes à chaque pas pour ne pas être capturée par la boue que l’on ne distingue pas, en reprenant son souffle pour ne pas être repérer par les chouettes, s’engloutir dans la nuit avec, comme cap unique, l’étouffé fracas des lames océanes quand bientôt, bientôt, bientôt et de mollarder dans cette satanée boue...

/ stop / là on s’arrête extrémité des godillots alignée sur le bord la falaise, d’emplir lentement ses poumons du vent salé, et sans sauter faire doucement tomber son sac à dos par terre, d’apercevoir au loin le spectre acier de la lune, d’attendre que la nappe de pétrole noircisse encore l’océan jusqu’au rivage et de gratter précautionneusement la première allumette dans le creux de sa main ! Avant de rêver de retourner s’étioler dans votre ferme aux volets disjoints...Et de regarder la mer crâmer...

Ramener le pied gauche à la hauteur du droit, se tenir au bord, juste au bord, bien se camper, sentir les pieds nus se recroqueviller un peu, redresser le cou, porter le regard droit en face, baisser le menton de 21 degrés, fixer en bas le plancher d’eau, emplir lentement ses poumons tout en abaissant de peu les paupières, écarter les épaules, détendre la paume dans mains, expirer en silence, fléchir les genoux à minima, courber le cou en avant de 7 degrés, se répéter qu’on va y aller, expirer, laisser tomber les épaules, plier l’avant-bras droit à la verticale en le montant, expirer plus longuement, inspirer jusqu’au ventre, tenter de dénouer le nid de serpents qui se tord à l’intérieur, pincer légèrement les narines entre le pouce et l’index, on y va se le dire.

Pincer fort les narines, mais fixer le mur flou en face, être lourde, mais déglutir, brusquement plier les genoux, crisper les doigts de pieds, basculer sur l’avant des pieds, l’eau imprime les rétines, peser de toute sa carcasse, mais prendre appui sur le sol, faire partir une décharge électrique du milieu des pieds jusqu’en haut du crâne, influx déclenché se déplier, sauter en haut et en avant de 33 centimètre, retomber, ouvrir grand les yeux, se pincer le nez plus fort, rabattre ses paupières, sentir l’air s’enserrer, vent, vitesse s’inserrer les pieds tendus dans l’eau bouillante, mise en eau coté chevilles, ne rien voir, sentir l’eau monter le long des mollets, froncer le nez et les doigts, je ne sais pas, est-ce qu’il faut ouvrir les yeux, mais je ne vais rien voir, à quoi ça sert, dans l’abîme c’est pas pareil.

Au secours, trop tard, personne ne va me retrouver, c’est foutu, qu’est-ce que je fous là maman, quelle idée de merde, atrocité, je vais attraper la mort, c’est complètement con, glagla, sentir l’eau dépasser la ligne du nombril, y plonger jusqu’aux oreilles, mais avoir froid des lobes, ouvrir les yeux ça pique, toucher des talons le fond, le nid de serpents s’effrite, mais remonter en à la surface enflammée et se dissoudre dans les flammes ?

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