par angèle casanova

Sens interdit, par Camille Philibert-Rossignol

vendredi 7 septembre 2012

Questionner vous permettra-t-il d’avancer plus vite sur mes pavés ? Et dans un premier temps, demander où je suis aux passantes nonchalantes vous aidera-t-il à me dénicher dans le quartier ? Quand le métro ferme ses grilles, combien de temps durent ces longs moments taiseux où aucun murmure ne résonne plus entre mes trottoirs ? Comment jaillissent les interrogations des pierres quand je tente de combler certains de mes arpenteurs par une déambulation surprenante ? Une bonne rue doit-elle se situer à une parfaite équidistance entre l’avenue et l’impasse ? Je me le demande. De plus l’orientation la meilleure suppose-t-elle obligatoirement de m’aborder par les premiers numéros ? Est-ce que commencer par mes derniers numéros impliquerait systématiquement de marcher à reculons ? Chacune de mes portes est-elle équipée bien d’un code, voir de deux ? Chacune de mes façades ne mérite-t-elle pas d’être vue sous différents angles ? Et toutes mes vitrines ne brillent-elles pas fondamentalement une lumière inattendue ? Comment se fait-il que ceux qui cherchent sans cesse à tout bout de champ se retrouvent souvent à errer sur mon macadam ? Toute rue en travaux comme moi ne serait-elle pas une rêveuse cachée ? Qui ne sait marcher droit du côté impair, n’est-il pas qu’un simple empêcheur de tourner en rond ? Pourquoi mes détours valent-ils mieux que certains boulevards ? Est-ce à temps plein que je m’interroge sur la vie que j’abrite ? Comment faire pour redevenir tranquille et paisible ? Voir un touriste débarqué déclenche une rafale d’interrogations, d’où vient-il, de quel pays, comment a-t-il entendu parlé de moi, passe-t-il ici par hasard ou par envie. Tout ne compte-t-il pas dans sa façon de poser son premier pas ? Est-ce possible que parfois les balbutiements s’en mêlent ? Les habitués qui ne me regardent plus en sortant leurs poubelles ne sont-ils pas mes pires ennemis ? Puis-je me souvenir d’avoir jamais eu une seule certitude, aussi solide d’un mur en béton, ne serait-ce qu’une, même banale, une de celle qui laisse sans voix ? Suis-je incapable, de trouver la manière de décoller de la ville, de m’extraire de l’épaisseur du goudron et des constructions qui m’ont constituée, d’arrêter de cultiver mes mystères factices ? En un mot, où vais-je ?

Camille Philibert-Rossignol

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