par angèle casanova

les marronniers perdus

dimanche 20 juillet 2014

Les marronniers ont disparu. Mais le nom est resté. Café des marronniers. Têtu, il nargue les nouveaux. Les remplaçants. Ceux qu’on a plantés à la place des marronniers.
Le jour où traînant ma valise à roulettes, je traverse la place d’armes pour la première fois, elle est trouée. Tripes à l’air. Pour entrer dans la cathédrale, il faut faire le tour, longer la façade et grimper les marches latéralement.
Et puis les mois passent. Des archéologues sont mandatés pour fouiller la place. Ils trouvent des trucs. Et puis s’en vont. Le trou est rebouché. Des pavés poussent là-dessus comme des champignons. Les ouvriers avancent peu à peu. En partant de la mairie. Mon cerveau enregistre la progression du chantier. Les instantanés se succèdent. Comme un film saccadé, ils forment une frise temporelle. Évolutive.
Au tout début de la frise, pourtant, les marronniers brillent par leur absence. Car je ne les ai jamais vus. Et pourtant. Tout le monde m’en parle. De ces marronniers manquants. Ceux de c’était mieux avant. De pourquoi ils les ont arrachés. De mon œil qu’ils étaient malades. Les gens m’en parlent. Et la vieille ville aussi. Proteste. A sa manière. Au changement. Certains immeubles disent non. Nous ne changerons pas. Les épiceries ont fermé. Les bistrots populos aussi. Mais nos vieux locataires ne sont pas morts. Leurs rideaux défraîchis en attestent. Alors le café des marronniers reste le café des marronniers. Ils ont été arrachés. Jetés dans quelque décharge. Mais leurs fantômes persistent à encombrer la place. Ils sont là. Ils narguent les jeunes arbres secs. D’espèce indéterminée. Sans doute résistants aux maladies. Ils les poussent. Ils les étouffent peut-être dans l’œuf. A se demander s’ils feront de vieux os. Sabotés par des marronniers fantômes. Têtus. S’accrochant à la place d’armes comme une moule à son rocher.

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